CHAPITRE UN : Où le lecteur, horrifié, découvre le chemin de la célébrité selon Kaplan.

Ah ! L'Université ! Même dans le brouillard, c'est beau !

...ce lieu de recherches et de découvertes,

...Cette cathédrale à la gloire du savoir humain...

Un semestre. Je ne suis inscrit que pour un semestre. Il m'en faudrait au moins trois ! Mais je n'en ai pas les moyens. Il ne me reste qu'à trouver des petits boulots si je veux pouvoir revenir et obtenir mon diplôme. Et me contenter d'une médiocre résidence universitaire, dont je suis sûr que la cuisine sera toujours sale, dangereusement sale, tout comme d'ailleurs salle de bains et toilettes,  pleine de bactéries dont l'agressive voracité mettra à mal ma précieuse santé, sans compter la chambre spartiate et le lit inconfortable.

Qu'est-ce que je vous disais...

Savoir (et pouvoir), que de sacrifices ne ferais-je pas en ton nom !

En même temps, modeste ou pas, cette résidence est mixte. Délicieusement mixte. Pleine d'opportunités. D'ailleurs, il est urgent que je me présente à toutes ces jolies opportunités.

D'ailleurs, de toute évidence, elles n'attendent que moi. Quel plaisir d'être adulé dès mon arrivée.

Allez, ne soyons pas mesquin, offrons lui ses cinq minutes de gloire. Allons la saluer.

Et comme je suis dans un moment de grande générosité, je vais continuer à distribuer mes saluts à toutes les beautés ici réunies.

Bonjour! Désolé qu'il pleuve aujourd'hui. Le soleil aurait allumé de si beaux reflets dans vos cheveux...

Enfin, quand je parlais de rencontrer toutes les beautés de cette résidence, j'étais trop sectaire. Il me faut aussi faire un effort pour les moins jolies. On ne sait jamais, et ma prudence veut que je garde toujours une poire pour la soif.

Des cheveux bleus... Quelle idée ridicule!

Et celle-là... Franchement, j'ai déjà vu des ruminants à l'air plus éveillé. Dire qu'il va falloir que je supporte son regard niais pendant tout un semestre...

Et là, dites moi, une casquette à l'intérieur... Le savoir vivre, elle ne connait pas? Tant pis. Adaptons nous.

" Wouah, zyva, t'as trop la classe, là"

Oh... Mais booonnnjoooourr toi. Comme tu es jolie. Comme tout le monde te regarde. Comme je suis sûr que tu es populaire, très populaire, extrêmement populaire. Donc, si je t'attrape, je deviens populaire aussi, parce que tu vas gentiment me présenter à tous tes gentils copains. Quelle bonne idée.

Je suis sûr que ses amis pourront m'aider, un jour, plus tard. N'oubliez pas, braves gens, que j'étudie la com-mu-ni-ca-tion, et que nos condisciples seront un jour les grands communicants, patrons de presse et journalistes, qui sauront quand il NE faut PAS informer le public. Je serai toujours leur ami, non ?

Et franchement, la petite blonde, comme ascenseur social, on a vu pire, non ? Peut-être cet ascenseur là peut-il même faire double emploi : popularité (et gloire et fortune) ET septième ciel. Je saurais m'en contenter, pour un début.

Mais ? Que constate-je ? Mon compte en banque frôle le rouge ? Petits boulots, me voici... Mais travailler, c'est fatigant. Je vais ruser. Me vendre comme cobaye botanique. Vendre mon plasma. Vendre mon appendice (de toutes façons, lui, il ne sert à rien).

Et puis, pendant que je me fais ponctionner, triturer, dépecer, je peux toujours étudier. Merci à l'inventeur du MultiCast 6000.

Ca y est. Après m'être dépouillé de quelques morceaux de moi même, j'ai enfin pu m'offrir un lit digne de ce nom. Confortable, accueillant, câlinesque...

O Maître de la Destinée, peux-tu faire quelque chose pour moi ? Au sujet de la petite blonde, par exemple ?

« C'est à toi de jouer, Stanislas. Ne compte pas sur moi pour tout et n'importe quoi. Sache que je suis toujours là, derrière ton épaule. Je te vois, je te surveille. Ne me déçois pas... »

« ….gllllpsss... » (bruit malséant de ma salive que je peine à avaler). Je vois. IL n'était pas de très bonne humeur, aujourd'hui. Enfin, j'ai mieux à faire. Dire bonjour à cette charmante demoiselle, par exemple. La complimenter. Faire son éloge. La flatter. Faire sa connaissance. Glisser un clin d'oeil de temps à autre. Laisser agir mon charme irrésistible, surtout.

Quand je parlais de coups d'oeil... Mademoiselle la petite rousse, je vous ai vu. Intéressée? Ah bon... Qui sait? Votre tour viendra peut-être...

Je crois que c'est bon. Passons aux choses sérieuses. L'embrasser...

...de moins en moins timidement.

Vraiment moins timidement!

L'inviter dans ma chambre... Là, je crois que c'est gagné. Se câliner un peu sur le lit, les yeux dans les yeux...

Et...et... et... B-I-N-G-O!

Admirez ce sourire satisfait. Le mien, bien sûr. Un pas de plus vers la popularité !

Grâce à vous, mademoiselle, me voilà populaire. Finalement, Rampa avait raison. Hypnotiser les proies, c'est vraiment agréable. Ensuite, elles vous donnent tout ce que vous voulez, sans effort. Je sens que le chemin vers une célébrité que nous appelerons "romantique", pour rester correct, sera vraiment doux à arpenter. Et me mènera, accessoirement, à la richesse et au pouvoir.